ÉTOILE



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



ÉTOILE



ÉTOILE (Stella, Castrum de Stellâ). - Le bourg d'Étoile est situé sur le penchant d'un coteau et entouré de murailles, à 13 kilomètres sud de Valence, sur la route vicinale de cette ville à Crest. Les eaux y sont fort belles et fort abondantes ; il y a des fontaines publiques dans presque tous les quartiers du bourg. La population agglomérée n'est que d'environ 1,300 individus, mais la population totale est de 2,989, parce que, indépendamment de son chef-lieu, la commune se compose de beaucoup de maisons éparses dans la campagne et de plusieurs hameaux, dont le plus considérable est la Paillasse, sur la grande route de Lyon à Marseille : c'est un relais de la poste aux chevaux.
Son territoire est vaste et d'une culture riche et variée : arrosé de l'est à l'ouest par les eaux de la Véoure et du ruisseau d'Arcette, il est baigné au couchant par le Rhône et au midi par le torrent d'Ozon.
Il y a une fabrique d'ouvraison de la soie, deux belles filatures à la Gensoul, des fours à chaux et quatre foires par an.
L'époque de la fondation de ce bourg est inconnue ; on sait seulement qu'elle remonte à des temps reculés, et on lit dans l'histoire de la province que c'était une des meilleures places du Valentinois pendant les guerres de la féodalité et les troubles religieux. Elle fut souvent prise et reprise par tous les partis.
Le château fut un de ceux qu'habita Louis XI, pendant le long séjour qu'il fit en Dauphiné, vers l'année 1451. A la mort de ce prince, devenu roi de France, la noblesse de ces contrées fit d'Étoile, en 1483, le centre des mouvemens par lesquels elle voulut ressaisir la puissance féodale dont il l'avait dépouillée. Le gouverneur de la province envoya mettre le siége devant le château ; il y convoqua le ban et l'arrière-ban de dix-neuf communes des environs, et la reddition de la place, en soumettant le corps de la noblesse au nouveau dauphin, ruina entièrement le parti féodal.
Sous François Ier et Henri II, ce château, que fit réparer et qu'embellit Diane de Poitiers, devint une des maisons de plaisance de cette femme célèbre, qui avait coutume d'ajouter à son titre de duchesse de Valentinois celui de dame d'Étoile.
M. Parisot fait son habitation de la partie de cet ancien château qui avait été conservée, et qui, dans les temps reculés, servait au logement des officiers du comte de Valentinois. Il a converti en un beau et vaste jardin la partie du château proprement dit qui dominait le bourg d'Étoile et la vallée du Rhône.
La maison voisine, qui appartenait autrefois à M. Royané, est celle où fut reçu Henri II, lorsqu'il vint visiter Diane de Poitiers dans son château d'Étoile.
Elle avait aussi une habitation au-dessous et et à quelque distance d'Étoile, connue sous le nom de Château de Papillon, et sur les ruines de laquelle ont été construits des moulins à farine et une fabrique d'ouvraison de la soie.
Sur la façade de l'église de la paroisse, on voit gravée en caractères gothiques, sur une table de marbre noir, la charte d'affranchissement de cette commune, du 9 des calendes ou 21 février 1244.
Du jardin de M. Parisot, et surtout du calvaire, on jouit du point de vue le plus étendu, le plus rare et le plus varié : on domine toute la plaine du Rhône, on suit le cours du fleuve dans une longue direction, et l'on distingue une partie des montagnes du Vivarais.
On voit à la porte de la chapelle du hameau de la Paillasse une très belle colonne milliaire, trouvée, en 1757, par M. Terrasse, dans une de ses propriétés, au nord et à 800 toises environ du village. Elle était sur l'ancienne voie romaine d'Arles à Vienne, au couchant et non loin de la route actuelle. Elle avait été posée en l'an 147 de J. C., sous le règne d'Antonin-Pie. En voici l'inscription ; le sixième mille qu'elle marque était compté de Valence :
IMP CAES T AEL HAD ANT AVG PIO PP PM TR POT X COS IIII VI
C'est-à-dire : Imperatori Coesari Tito Aelio Hadriano Antonino Augusto, pio, patri patrioe, pontifici maximo, tribunitiâ potestate decimùm, consuli quartùm. Sextum milliarium.
A l'empereur César Titus Aelius Hadrianus Antoninus Augustus, pieux, père de la patrie, pontife souverain, revêtu dix fois de la puissance tribunitienne, et consul pour la quatrième fois. Sixième mille.
Un tronçon de la colonne qui marquait le cinquième mille a été trouvé, en 1814, à 25 mètres au couchant de la route actuelle, près de la maison d'un particulier nommé Jacques Arlaud dit Serret, où on le voit encore.
Charte de la commune d'Étoile.
A tous ceux qui les liront, ces lettres font savoir que, l'an 1244 le 9 des calendes de mars (21 février), nous Adémar fils, comte de Valentinois, par le fait, non de quelque surprise ou tromperie, mais par celui de notre pure et libre volonté, purement, simplement, irrévocablement, par acte entre vifs, donnons, louons et concédons, tant pour nous que pour nos héritiers et successeurs, et à toujours, aux habitans du château d'Étoile et de son mandement, qui relève immédiatement ou relèvera à l'avenir de notre propre domaine, de quelque sexe que soient ou seront lesdits habitans du château d'Étoile et de son mandement, ou qui l'habiteront à l'avenir, ainsi qu'à leurs héritiers ou successeurs habitant audit château d'Étoile et dans son mandement, la plus entière immunité et franchise de toute exigence de conductoe (transport), de toustes tasches (corvées) ou quoesitoe (recherches ou visites domiciliaires), que nous et nos héritiers ou successeurs pourrons recevoir et exiger desdits habitans et de leurs héritiers ou successeurs, justement ou injustement, par us ou abus, par coutume ou droit. Encore donnons, louons et concédons, tant pour nous que pour nos héritiers ou successeurs, à tous les habitans du château d'Étoile et de son mandement, tant à ceux qui nous appartiennent ou nous appartiendront immédiatement, qu'aux autres qui sont ou seront les hommes ou vassaux (subjecti) des soldats, des clercs (domicillorum), et du monastère de Saint-Marcellin ou de quelque couvent ou d'autres personnes, à condition, toutefois, qu'ils habitent ou habiteront dans le château d'Étoile et dans son mandement, aussi bien qu'à leurs héritiers ou successeurs, la plus entière immunité et franchise de toute redevance, recherche et levée de foin et de paille, que tant nous que nos héritiers ou successeurs, par droit, coutume ou us, pouvons ou pourrons recevoir et requérir : promettant que ni nous, ni par le moyen de gens d'armes à nos gages (domicellos), ou par autres gens, ne lèverons paille ou foin sur lesdits habitans actuellement vivans ; affranchissant lesdits habitans de toute levée, redevance (toustes tasches) et demande de foin et de paille, et affranchissant de toute redevance de ce genre les gens qui leur appartiennent ; lesquelles immunités promettant, tant en notre nom qu'en celui de nos héritiers ou successeurs, au bailli d'Étoile, stipulant et acceptant au nom de tous les habitans d'Étoile et de son mandement, et à ce spécialement constitué ; promettant qu'à l'avenir, dans toutes les corvées, réquisitions de foin ou de paille que nous ferons, lèverons et requerrons, nous maintiendrons, sans y contrevenir, et observerons inviolablement lesdites donations, concessions et franchises, y renonçant à toujours et spécialement et très expressément au bénéfice de minorité, de restitution à intervenir, de nouvelle constitution, d'exception par fait de dol et même d'erreur, et spécialement à la loi sur l'insinuation ; voulant que notre donation ressorte son effet par elle-même, tout autant que si elle avait été insinuée ; renonçant à la loi dite de véritable renonciation, et à toute prétention que nous pourrions tirer du droit canon ou civil. - En outre, nous Adémar fils, comte de Valentinois, la main sur les saintes tables, jurons et promettons, en notre nom et en celui de nos successeurs, de maintenir à toujours tout ce qui précède, et de garder notre parole, sans profiter d'aucune raison ou occasion que nous fourniraient quelque coutume, usage, statut du droit canon ou civil déjà promulgué ou à promulguer en ce qui concerne ce qui précède : lesquels tous articles nous observerons inviolablement dans leur ensemble comme dans leur détail. - Les an, mois, jour que dessus, à Étoile, sur la place dite de Mauvais-Conseil (Mali Consilii), présens et pour ce appelés les témoins Girod, prieur de Saint-Marcellin ; Gibaut, Amalric de Rochefort, Hugues de Pierre-Gourde-de-Lermin ; les soldats Guilhermy, Berenger, Berenger de Crista, Gerenton de Rieussec, Bonnefoi de Saillans, Pierre de Baies, ainsi que plusieurs autres, A. fils, comte de Valentinois, a écrit les présentes, et voulons que, pour garder notre serment, elles soient maintenues par nos héritiers.
Confirmation de la Charte d'Étoile par l'empereur Sigismond.
Au nom de la sainte et indivisible Trinité. Amen.
Sigismond, par la grâce de Dieu, roi toujours auguste des Romains, roi de Hongrie, de Dalmatie, de Croatie, ...., de Servie, de France, de Lorraine et de Bulgarie, marquis de Brandebourg, héritier de Bohême et de Nuremberg,
Faisons savoir par ces présentes à tous ceux qu'il appartiendra, et pour en perpétuer le souvenir, que, bien que la sublime bonté de la Majesté romaine et royale se montre grâcieuse à tous ses fidèles sujets du Saint-Empire, elle a coutume cependant d'accorder avec plus d'abondance ses faveurs et ses grâces à ceux qui lui donnent des preuves plus éclatantes de leur fidélité et de leur zèle infatigable à soutenir nos intérêts et ceux du Saint-Empire ; ouï l'humble requête qu'adressent à notre sublime Grandeur les cultivateurs et habitans du lieu d'Étoile, dans le diocèse de Valence, dans laquelle nous faisant connaître tous les indults, libertés, observances de louable coutume, et concessions, qu'ils sont reconnus avoir obtenus du magnifique Adémar de Poitiers, d'heureuse mémoire, fils du comte de Valentinois, aussi bien que des autres comtes dudit lieu d'Étoile, et de l'illustre prince dauphin de Viennois, de la mouvance de qui relève, comme arrière-fief, ledit lieu d'Étoile, lesdits habitans nous supplient de déclarer que nous approuvons, ratifions, renouvelons et confirmons par la plénitude de notre puissance impériale les précédens indults, libertés, observances et concessions donnés et accordés : en conséquence, considérant tous les droits que lesdits cultivateurs et habitans du lieu d'Étoile ont acquis à notre gratitude, par leur zèle et leur constance à servir avec probité et habilement nous et le Saint-Empire ; attendu que la susdite requête émane d'une source aussi pure, et que de justes demandes méritent un favorable accueil, après délibération prise, sans avoir été surpris ou induit en erreur, mais de science certaine et du plein exercice de notre puissance impériale, nous approuvons, ratifions, renouvelons par grâce spéciale, et concédons par notre autorité romaine et royale, et de la plénitude de notre puissance impériale, autant que nous le pouvons dignement,

Eurre
dans toute leur régularité, leur teneur, articles, sens et clauses, mot pour mot, ainsi qu'ils ont été rédigés, et comme s'ils étaient stipulés dans les présentes, tous et chaque indults, priviléges, lettres, exemptions, grâces, libertés, franchises, observances, immunités, concessions et louables coutumes, sans préjudice, toutefois, pour nos droits et ceux d'autrui. Par un intérêt, un don, une grâce particulière, nous avons jugé les cultivateurs et habitans dudit lieu d'Étoile dignes d'être placés, et par la teneur des présentes les plaçons grâcieusement sous la sûre garde, tutelle et protection spéciale du Saint-Empire ; vous établissant les exécuteurs de nos volontés, et les protecteurs desdits cultivateurs et habitans d'Étoile, vous illustres princes, dauphin de Viennois et comte de Savoie, pour les gouverner en notre nom, vous les féaux chéris du Saint-Empire, et en vertu de notre autorité ci-dessus spécifiée et avec un plein pouvoir, nous vous députons, par la teneur des présentes, pour punir et réprimer tous ceux qui violeraient, attaqueraient ou troubleraient, par eux-mêmes ou par autrui, lesdits indults, concessions, grâces, libertés, immunités, priviléges, franchises et droits, pour infliger les peines, faire et exécuter tout ce qu'en pareilles occurrences est ou sera opportun. Que nul homme ne se permette de déchirer cette page où est déposé, sous notre garde et conservation, l'acte de notre approbation, ratification, rénovation, concession et confirmation, ou d'y contrevenir par quelque audacieuse entreprise que ce soit. Et si quelqu'un s'avisait d'y porter atteinte, qu'il sache qu'il encourra l'indignation de notre Majesté impériale, et l'amende de vingt livres marc d'or pur, dont nous réglons que moitié sera portée dans notre trésor ou fisc impérial, et le reste payé à ceux qui auront souffert le dommage, par la déclaration des présentes revêtues du sceau de notre Majesté. - Donné à Lyon, l'an 1416 de la naissance de Notre-Seigneur, le 3 de février, la 2me année de notre règne de Hongrie, la 29me de celui sur les Romains, la 6me de notre élection, et la 2me de notre couronnement.

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